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accompagné d’un temps linéaire et d’un
espace froid et sans mystère. La divinité,
avions-nous dit, n’avait (n’a !) plus de
place. Elle était (est !) simplement, inutile.
La mentalité scientifique et technologique –
régie par le logos – s’est emparée de tous les
recoins de l’univers, humain et non-humain.
Même les discours écologiques font appel
au logos pour trouver une solution à la crise.
Des solutions, toujours technologiques, ont
été proposées, il semble que cela ne soit plus
suffisant. Il faut faire un pas de plus dans la
direction d’une sophia, d’une sagesse.
Nous ne sommes plus dans le temps de la
division, mais dans le kairòs de
l’unification. Il faut ramasser les débris
pour que la réalité soit, de nouveau, une
seule.
Dans cet essai nous allons étudier
deux approches de l’écosophie, celle d’A.
Næss (1912-2009), philosophe norvégien et
celle de R. Panikkar (1918-2010),
scientifique, philosophe et théologien
espagnol. En effet, les deux intuitions
semblent pourvoir être rapprochées, elles
cheminent, apparemment, toutes deux dans
la même direction. Il importe peu de savoir
qui a été le premier
On affirme, unanimement, qu’A. Næss est le
fondateur de l’écologie profonde et le premier à
employer le terme d’écosophie. Nous le croyons
aussi. On chercherait en vain, dans les publications
de Næss, une quelconque référence à R. Panikkar.
En revanche, R. Panikkar cite, au moins une fois, A.
Næss et reconnaît que le terme qu’il utilise avait déjà
été employé par l’auteur norvégien, tout en disant
proposition, tous deux, croyons-nous, font
partie de ce courant que l’on nomme
aujourd’hui "Ecosophie". Ils osent
proposer une nouvelle approche pour
chacune des deux disciplines, préoccupées
par le problème environnemental.
L’intuition cosmothéandrique et toute la
démarche de R. Panikkar rejoignent et
dépassent la proposition de la "Deep
Ecology", telle qu’elle a été avancée par A.
Næss. Rejoint, car elle utilise une série de
termes et de notions similaires à celles de ce
mouvement ; dépasse, car elle fait un pas de
plus.
L’intérêt de ce travail de
rapprochement est de dire, d’une part, que
la proposition de R. Panikkar n’est pas
isolée, elle s’inscrit dans un mouvement
beaucoup plus ample dont fait partie, sans
aucun doute, son initiateur A. Næss ; et,
d’autre part, de souligner ses nouveautés et
points forts. Cela nous permettra, du même
coup, d’entrer en contact avec la pensée de
notre auteur et de mieux saisir son travail
théologique, vis-à-vis d’une construction
plutôt philosophique.
qu’il lui donne un autre sens qui se rapproche
davantage de celui d’"éco-philosophie" donné par H.
Skolimowski (dans son ouvrage Eco-philosophie et
éco-théologie : pour une philosophie et une
théologie de l’ère écologique, Jouvence, Genève,
1992). Cf. R. Panikkar, Vision trinitaire et
cosmothéandrique : Dieu-Homme-Cosmos, Cerf,
Paris, 2013, p. 357, note 14.